Existe-t-il une seconde chance dans la vie des affaires ? Aspects de fond
Posée au juriste, la question surprend car l’idée même de seconde chance – celle-ci étant entendue comme la chance de rattrapage – semble échapper à l’emprise du droit, et lorsqu’une telle opportunité relève du champ de l’action humaine, elle paraît bien se heurter aux principes juridiques les mieux établis : le principe de responsabilité qui oblige chacun à assumer les conséquences de ses manquements ; la force obligatoire de la parole donnée qui empêche d’admettre qu’on puisse revenir sur un engagement finalement jugé peu judicieux ; un principe de cohérence qui interdit de se contredire au détriment d’autrui ; ou encore, plus techniquement, cette règle qui commande de se placer au moment de la formation d’un acte pour apprécier sa validité et qui, par là même, empêche d’admettre l’effet de rattrapage qui pourrait être attendu d’une régularisation subséquente.
Et pourtant, plus fouillée, l’interrogation révèle sa pertinence. Car à l’examen, il apparaît que le droit des affaires est loin d’être arc-bouté sur une position rigide conduisant à cristalliser les échecs, et qu’à bien des égards, par intérêt, par optimisme et/ou humanité, il réserve des possibilités de rattrapage.
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Cass. 3e civ., 28 déc. 2012, n° 11-26762 ; Cass. 3e civ., 6 janv. 1993, n° 91-13904 ; Cass. 3e civ., 1er févr. 1989, n° 87-15123.
Cass. com., 29 sept. 2015, n° 14-15040 : Dr. sociétés 2016, comm. 1, note Mortier R. ; RLDC 2016/135, n° 6138, obs. Marpeau B. et Dietrich F. ; BJS janv. 2016, n° 114p2, p. 20, note Dondero B. ; D. 2016, p. 407, note Moury J. et François B. ; RJDA 3/16, n° 198 ; RLDA 2016/115, n° 5919, obs. Mestre J. et Mestre-Chami A.-S.
La Cour de cassation refuse de voir dans la seule mise en sommeil un juste motif de dissolution : v. ainsi Cass. com., 20 nov. 2012, n° 11-27835 : D. 2012, p. 2799 ; Dr. sociétés 2012, comm. 20, note Mortier R. ; Rev. sociétés 2013, p. 283, note Chaput Y. – Cass. com., 23 mars 2010, n° 08-22073 : Rev. sociétés 2010, p. 163, note Amiel-Cosme L. ; JCP E 2010, 1449, note Viandier A. –Cass. com., 17 janv. 1977, n° 75-12185 : Gaz. Pal. Rec. 1978, 2, jur., p. 519, note Guyénot ; D. 1977, IR, p. 311, obs. Bousquet.
V. par ex. CA Paris, 28 mars 1989 : Dr. sociétés 1989, 147, ayant admis que les actionnaires d’une SA à capital variable pouvaient revenir, par un second vote réunissant la majorité requise, sur une décision d’exclusion aussi longtemps que celle-ci n’a reçu ni publicité ni commencement d’exécution.
Cass. com., 19 janv. 1993, n° 91-11153 ; Cass. soc., 17 janv. 1962 : Bull. civ. V, n° 64 – Cass. com., 20 oct. 1952 : Bull. civ. IV, n° 308.
Cass. com., 22 févr. 2005, n° 03-17421 : BJS août 2005, n° 232, p. 977 ; JCP E 2005, 968, p. 1067, note Kaddouch R. ; Rev. sociétés 2005, p. 353, note Le Cannu P.
Cass. com., 4 janv. 1994, n° 91-20256, De G. : Bull. civ. IV, n° 10 ; BJS mars 1994, n° 68, p. 279 ; Dr. sociétés 1994, 45, obs. Bonneau T. ; Defrénois 30 avr. 1994, n° 35786, p. 556, obs. Le Cannu P. ; JCP G 1994, I 363, p. 268, obs. Viandier A. et Caussain J.-J. ; Rev. sociétés 1994, p. 278, note Lecène-Marénaud M.
Cass. com., 26 avr. 1994, n° 92-15884 : Bull. civ. IV, n° 158 ; JCP G 1995, II, 22369, note Gibirila D. ; Rev. sociétés 1994, p. 725, note Cohen D. ; BJS juill. 1994, n° 221, p. 831, note Le Cannu P. – Cass. com., 3 janv. 1996, n° 94-10765 : RTD com. 1996, p. 485, obs. Petit B. et Reinhard Y – Cass. com., 14 mai 2013, n° 11-22845 : D. 2013, p. 2319, note Dondero B. ; Dr. sociétés 2013, comm. 157, note Roussille M. ; BJS oct. 2013, n° 110n7, p. 634, note Gaudemet A. – Cass. com., 10 févr. 2015, n° 13-27967 : Rev. sociétés 2015, p. 371, note Viandier A. ; JCP E 2015, 1463, note Dondero B. ; Dr. sociétés 2016, comm. 12, note Roussille M. – Cass. com., 28 nov. 2018, n° 17-15859 : BJS févr. 2019, n° 119k9, p. 21, note Heinich J.
Cass. com., 20 mars 2012, n° 11-10855 : D. 2012, p. 1584, note Laroche M. ; Rev. sociétés 2012, p. 435, note Couret A. ; RTD com. 2012, p. 348, obs. Constantin A. ; RTD com. 2012, p. 355, obs. Monsèrié-Bon M.-H. ; JCP E 2012, 1569, note Garçon J.-P. ; Dr. sociétés 2012, comm. 77, obs. Hovasse H. ; BJS juill. 2012, n° 311, p. 538, note Lucas F.-X. ; JCP E 2012, 1310, comm. Mortier R. – Cass. com., 29 sept. 2015, n° 14-17343 : BJS déc. 2015, n° 114h4, p. 629, note Dondero B. ; Rev. sociétés 2016, p. 228, note Ansault J.-J.
Cass. com., 29 sept. 2015, n° 14-17343 : BJS déc. 2015, n° 114h4, p. 629, note Dondero B. ; Rev. sociétés 2016, p. 228, note Ansault J.-J.
Cass. com., 7 févr. 2012, n° 10-28757 ; Cass. com., 22 mars 2005, n° 03-12922 : Bull. civ. IV, n° 67.
Cass. com., 10 janv. 2018, n° 16-10824 : Rev. sociétés 2018, p. 199, obs. Roussel Galle P. ; Gaz. Pal. 17 avr. 2018, n° 321k2, p. 79, note Lasserre Capdeville J.
Pérochon F., Entreprises en difficulté, 10e éd., 2014, LGDJ, Manuel, p. 162.
V. ainsi Cass. com., 28 sept. 2004, n° 02-21522 : RTD civ. 2005, p. 129, obs. Mestre J. et Fages B., énonçant que « n’est pas fautive la mise en œuvre, par le concédant qui a d’abord accordé des délais de paiement, des stipulations contractuelles en vue de se prémunir du risque de non-recouvrement de sa créance » – rappr. Cass. com., 17 juill. 2001, n° 98-19258 : Bull. civ. IV, n° 153 ; RTD civ. 2002, p. 94, obs. obs. Mestre J. et Fages B., approuvant les juges du fond d’avoir considéré que « la circonstance que le concédant n’ait pas usé de sa faculté contractuelle de résiliation en raison des impayés précédents ne le privait pas du droit de s’en prévaloir par la suite, d’autant que le contrat prévoyait qu’une telle tolérance ne valait pas renonciation. »
C. com., art. L. 622-17, II et C. com., art. L. 641-13, II.
Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil, relative aux cadres de restructuration préventifs, à la seconde chance et aux mesures à prendre pour augmenter l’efficience des procédures de restructuration, d’insolvabilité et d’apurement, 22 nov. 2016, COM(2016) 723 final.
V. C. com., art. L. 643-11 ; sur la portée de ce principe, v. not. Cass. com., 13 déc. 2017, n° 15-28357. Sur le fondement de ce principe et sa mise en perspective avec les droits étrangers, v. les développements très éclairants de Pérochon F., in Entreprises en difficulté, 10e éd., 2014, LGDJ, Manuel, nos 1362 et s.
V. C. com., art. L. 645-11 (effacement des dettes). L’exigence de bonne foi s’induit des dispositions de l’article L. 645-9 qui permet au tribunal d’ouvrir à tout moment la liquidation judiciaire (nécessairement demandée simultanément au rétablissement professionnel) lorsqu’il est établi que le débiteur n’est pas de bonne foi.
V. C. com., art. L. 643-11, III, qui autorise la reprise des poursuites individuelles en cas de faillite personnelle et de banqueroute, mais pas en cas d’interdiction de gérer.
Pour une critique de la faveur accordée à ces débiteurs : v. Galokho C., « Le rebond du débiteur de mauvaise foi », RTD com. 2017, p. 783 et s., spéc. n° 20.
V. partageant un même regret, Desbiecq A., « Loi Pacte : une occasion manquée pour les personnes physiques en liquidation judiciaire », Rev. proc. coll. 2018, étude 23.
C. mon. fin., art. L. 131-73 et C. mon. fin., art. R. 131-15 et s.
C. civ., art. 1844-5 ; C. civ., art. 1844-12 ; C. civ., art. 1844-13 ; C. com., art. L. 235-4 ; C. com., art. L. 235-6 ; C. com., art. L. 235-7 ; C. com., art. L. 235-8.
C. civ., art. 1222, al. 1.
C. civ., art. 1223, al. 1.
C. civ., art. 1225, al. 2.
C. civ., art. 1226, al. 1.
V. déjà en ce sens Cass. 3e civ., 6 juin 2012, n° 11-15973 : RDC 2012, p. 1180, note Genicon T. ; adde Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises, 11 avr. 1980, art. 37 et 48, § 1, donnant au vendeur ayant livré une marchandise non conforme le droit d’imposer à l’acheteur son remplacement ou sa réparation pour autant qu’il n’en résulte pas pour ce dernier d’« inconvénients déraisonnables » ; v. aussi Genicon T., « Le créancier victime de l’inexécution peut-il refuser l’offre d’exécution de son débiteur fautif ? », note sous Cass. 3e civ., 27 mars 2013, n° 12-13734 : RDC 2013, p. 890 et s.
V. C. civ., art. 1681 ; v. aussi Dross W., « La déception contractuelle », RTD civ. 2018, p. 787 et s., spéc. n° 21, envisageant l’hypothèse inverse dans laquelle la demande en réparation ou en exécution est formulée par l’errans.
À noter que le droit des procédures collectives ne s’oppose pas à ce qu’un même débiteur bénéficie à plusieurs reprises de la purge des dettes résultant de la clôture d’une liquidation judiciaire ou d’un rétablissement professionnel, mais à condition qu’un laps de temps de 5 ans se soit écoulé (v. C. com., art. L. 643, III, 3° et C. com., art. L. 645-2) ; adde proposition de directive du 22 nov. 2016, art. 22, 1, sous d) qui envisage l’hypothèse de recours répétés à une procédure de réhabilitation.
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Plan
- 1Réactivité et adaptation dans la vie des affaires
- 1.1Réactivité et adaptation dans la vie des affaires – Allocution de bienvenue
- 1.2Réactivité et adaptation dans la vie des affaires – Rapport introductif
- 1.3Réactivité et adaptation, des opportunités – La réactivité en droit contemporain des contrats : des réactions unilatérales au smart contract
- 1.4Réactivité et adaptation, des opportunités – L’exploitation judiciaire de l’urgence
- 1.4.1I – Introduction
- 1.4.2II – L’exploitation primaire de l’urgence
- 1.4.3III – L’exploitation secondaire de l’urgence
- 1.4.4IV – En guise de conclusion
- 1.5Réactivité et adaptation, des opportunités – La prise en compte de l’évolution des circonstances économiques en droit du travail : réactivité, adaptation et sécurité
- 1.6Réactivité et adaptation, également des devoirs – La nécessité d’adapter le traitement à l’évolution des difficultés de l’Entreprise
- 1.7Réactivité et adaptation, également des devoirs – La passivité, source de responsabilités et de déchéances en droit des affaires
- 1.8Réactivité et adaptation, également des devoirs – Réactivité et adaptation au cœur des exigences de la compliance
- 1.9Réactivité et adaptation, également des devoirs – La réactivité dans l’arbitrage
- 1.10Réagir, s’adapter mais aussi considérer l’avenir… – Peut-on préserver contractuellement l’avenir ?
- 1.11Réagir, s’adapter mais aussi considérer l’avenir… – Existe-t-il une seconde chance dans la vie des affaires ? Aspects de fond
- 1.12Réagir, s’adapter mais aussi considérer l’avenir… – Existe-t-il une seconde chance dans la vie des affaires ? Aspects de procédure
- 1.13Réactivité et adaptation dans la vie des affaires – Rapport de synthèse