La liberté contractuelle en droit processuel de la famille
La liberté contractuelle en droit processuel de la famille est fortement encouragée par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle. Passer du réflexe judiciaire au réflexe amiable est l’enjeu de la justice du XXIe siècle. La contractualisation du droit de la famille comme la contractualisation du procès sont en ce sens. Elles ne sont cependant pas sans poser des difficultés autant pratiques que théoriques, car elles interrogent la répartition de l’office des parties et du juge qui est au cœur de la conception du procès civil.
1. La liberté contractuelle en droit processuel de la famille est fortement encouragée par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle (loi J21). Alors que le mouvement de contractualisation du droit de la famille est un thème bien connu, celui du droit processuel associé l’est curieusement beaucoup moins.
La figure du contrat s’est depuis longtemps invitée en droit de la famille et y est incitée pour ses nombreux avantages. Elle permet une responsabilisation des acteurs de la famille qui s’approprient la gestion de leurs relations en même temps[...]
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Noreau P., « L’épistémologie de la pensée juridique : de l’étrangeté à la recherche de soi », Les cahiers du droit 4 sept. 2011, p. 687 et s.
Il en est ainsi, par exemple, pour le nom de famille qui est celui du père.
Pourtant là encore, il est possible de détourner l’interdiction par une reconnaissance de complaisance suivie d’une possession d’état, ce qui n’est cependant pas une manifestation de la contractualisation. V. Cass. 1re civ., 14 févr. 2006, n° 03-19533.
V. en dernier lieu, Moracchini-Zeidenberg S., « La contractualisation du droit de la famille », RTD civ. 2016, p. 773 et s.
V. en ce sens, Chénedé F., « Divorce et contrat. À la croisée des réformes », AJ fam. 2017, p. 26 : « Si la qualification contractuelle ne lui est pas ou plus interdite, le divorce extrajudiciaire n’en demeure pas moins un contrat ou une convention d’une nature particulière. Dans la quadrilogie du nouvel article 1101, il semble pouvoir être classé dans la dernière catégorie : celle des accords extinctifs ». Contra alors pourtant que le contrat de travail ou le contrat de bail est largement encadré sans perdre leur qualification contractuelle, Casey J., « Le nouveau divorce par consentement mutuel, une réforme en clair-obscur », AJ fam. 2017, p. 18 : l’auteur qualifie d’absurde la référence au contrat au prétexte que le juge peut le contrôler et que des règles sont à respecter.
Cornu G., « L’élaboration du Code de procédure civile », RHFD 1995, spéc. p. 242-243.
Il s’agit parfois d’une recension des règles spécifiques qui n’en constituent pas pour autant un corpus autonome. Il en est ainsi du droit processuel de la responsabilité civile, du droit processuel de l’environnement ou de la consommation. V. Amrani-Mekki S., Le droit processuel de la responsabilité civile, in Mélanges de Viney G., 2008, Paris, LGDJ, p. 1 et s. ; Raschel L., Droit processuel de la responsabilité civile, Cadiet L. (préf.), 2008, Paris, IRJS ; Lucas O., Pour un droit processuel de la consommation, 2000, Rennes, Thèse Université de Rennes I.
Sur cette proposition, Garapon A., « Vers une nouvelle économie politique de la famille ? », Réactions au rapport remis au garde des Sceaux par Coulon J.-M. sur la réforme de la procédure civile, D. 1997, p. 69 ; Cadiet L., « À la recherche du juge de la famille », in Familles et justice, 1997, Meulders-Klein T., Bruylant-LGDJ, p. 235 et s., spéc. p. 263.
Vincent J., « Rapport de synthèse », in Les juges uniques, IXe Colloque I.E.J., 20-21 mai 1974, Nice, p. 98 et s., spéc. p. 103 et 111 ; Ancel M., Le juge du divorce, 1978, La documentation française, spéc. p. 53 : « Il [le juge] est moins tourné vers un passé qu’il aurait à régler que vers un avenir à organiser, non par une décision impérative, mais par la compréhension et avec la participation de ceux qu’il assiste autant qu’il les juge ».
Carbonnnier J., Essai sur les lois, 2e éd., 1995, Defrénois, spéc. p. 190. Cadiet L., op. cit., spéc. p. 19 : « À travers cette conception de la fonction juridictionnelle, c’est la notion même d’État de droit qui révèle sa transformation, masquée par le déclin du légicentrisme, du droit d’en haut, obéissant à une logique d’autorité et, corrélativement, la montée en puissance du juge, du droit d’en bas, négocié au sein de la société civile et partant le sceau du contrat qui imprègne le nouvel humanisme judiciaire ». Bénabent A., Droit de la famille, 9e éd., 1998, Litec, spéc. n° 17, p. 16.
Meulders-Klein M.-T., « Rapport de synthèse », in Familles et justice, op. cit., spéc. p. 611.
IHEJ, La prudence et l’autorité, L’office du juge au XXIe siècle, 2013, La documentation française, spéc. p. 26.
Amrani-Mekki S., « Les modes amiables de résolution des litiges dans la loi sur la modernisation de la justice du XXIe siècle », Gaz. Pal. 31 janv. 2017, n° 285b6, p. 46 et s.
Sur cette répartition, Egéa V., La fonction de juger à l’épreuve du droit contemporain de la famille, 2010, Defrénois.
Vocabulaire juridique de l’association H. Capitant, V° homologation.
En matière d’action de groupe, l’homologation suppose que l’accord soit conforme à l’intérêt des parties.
Sériaux A., « La justice face au droit de la famille », Dr. famille juin 2001, spéc. n° 4.
Gautier P.-Y., « Les nombres sacrés », in Droit, procédure, linguistique juridique, Mélanges Cornu G., 1994, PUF, p. 163 et s., spéc. p. 165.
Cass. 1re civ., 13 nov. 1991, n° 90-17840 : à propos de l’erreur.
Cass. 1re civ., 25 nov. 1999, n° 97-16488 : « Mais attendu que l’arrêt retient exactement qu’après son homologation par le jugement prononçant le divorce, la convention définitive revêt la même force exécutoire qu’une décision de justice et ne peut être attaquée que par les voies de recours ouvertes par la loi dans lesquelles n’entre pas l’action paulienne de l’article 1167 du Code civil ». Idem pour une action en inopposabilité fondée sur la fraude Cass. 1re civ., 12 avr. 2012, n° 11-13456.
V. par ex. si l’état liquidatif n’est pas notarié alors qu’il y a un immeuble. Le caractère indissociable de l’accord implique que le divorce soit également annulé, Cass. 2e civ., 28 mars 1979, n° 77-15598 : « Attendu que le jugement attaqué, rendu en dernier ressort a, sur leur demande conjointe, prononcé le divorce des époux X en homologuant la convention portant règlement des effets de leur divorce, bien que l’état liquidatif qui portait sur un immeuble soumis à publicité foncière fût établi seulement sous seing privé ; En quoi le jugement a violé le texte susvisé ».
Dekeuwer-Defossez F., La contractualisation de la famille, entre leurre et instrumentalisation, Chassagnard-Pinet S. et Hiez D. (dir.), Approche critique de la contractualisation, t. 16, « Droit et société. Recherches et travaux », 2007, Paris, LGDJ, p. 167 et s., spéc. p. 177.
V. Mekki M., « Le divorce par consentement mutuel conventionnel à la lumière du droit commun des contrats. Et si c’était vrai… », Gaz. Pal. 21 mars 2017, n° 290j0, p. 16 ; C. civ., art. 229 : « Les époux peuvent consentir mutuellement à leur divorce par acte sous signature privée contresigné par avocats, déposé au rang des minutes d’un notaire ». Sur l’acte contresigné par avocat, v. C. civ., art. 1374, qui codifie deux des trois nouveaux articles de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée par la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 (art. 66-3-1 à 66-3-3). Bacache M. et Leroyer A.-M., « Acte d’avocat : Acte sous seing privé contresigné par avocat – Acte authentique », RTD civ. 2001, p. 403 et s.
Jeammaud A., « V° judiciarisation, déjudiciarisation, rejudiciarisation », in Dictionnaire de la justice, Cadiet L. (dir.), 2004, PUF.
V. par ex. Cass. 1re civ., 18 mars 2015, n° 14-11392 à propos d’un enfant de 9 ans : « Qu’en se déterminant ainsi, en se bornant à se référer à l’âge du mineur, sans expliquer en quoi celui-ci n’était pas capable de discernement, et par un motif impropre à justifier le refus d’audition, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ».
Pour une compétence du TGI, Thouret S., L’après divorce conventionnel, AJ fam. 2017, p. 42 : « Les importants contentieux d’après-divorce qui reviendront naturellement au juge, qui devrait être le tribunal de grande instance et non plus le juge aux affaires familiales ». Pour celle du JAF, v. Casey J., « Le nouveau divorce par consentement mutuel, une réforme en clair-obscur », préc. : « Sur ce sujet, nous avons la conviction que la Cour de cassation consacrera la possibilité, pour le JAF, de contrôler a posteriori la convention de divorce ».
Sur cette question, v. Mekki M., préc.
Il s’agit de l’économie envisagée en termes de personnel judiciaire du fait du divorce sans juge.
Delmas-Goyon P., « Le juge du 21e siècle ». Un citoyen acteur, une équipe de justice, 2013, Ministère de la Justice, spéc. p. 21 , v. proposition n° 39 : « Généraliser des référentiels, pour les contentieux de masse et les litiges confrontant de manière réitérée le juge à des situations semblables, en matière civile, ainsi que pour les dommages-intérêts alloués en matière pénale. Ils devront être largement diffusés pour qu’ils soient accessibles au public ».
V. en dernier lieu, Dondero B., « La justice prédictive, la fin de l’aléa judiciaire ? », D. 2017, p. 532 ; Garapon A., « Les enjeux de la justice prédictive », JCP G 2017, 31.
D. n° 2015-282, 11 mars 2015, relatif à la simplification de la procédure civile, à la communication électronique et à la résolution amiable des différends : JO, 14 mars 2015, p. 4851.
En revanche, la loi écarte désormais expressément la médiation familiale là où elle est inappropriée, c’est-à-dire en cas de violence d’un parent envers l’autre ou envers un enfant car elle est alors inadaptée (C. civ., art. 373-2-10).
Amrani-Mekki S., « La convention de procédure participative », D. 2010, p. 3007 et s.
Amrani-Mekki S., « La codification de l’amiable », in Quarantième anniversaire du Code de procédure civile, Puigelier C. et Pétel-Teyssié I. (dir.), 2016, Éd. Panthéon Assas, p. 97 et s.
Le groupe de travail était présidé par M. Renaud Le Breton de Vanoise et composé d’une universitaire, auteur de ces lignes, ainsi que de magistrats et avocats représentant le CNB et l’association Droit et procédure.
Delmas-Goyon P, « Le juge du 21e siècle ». Un citoyen acteur, une équipe de justice, préc., sa proposition n° 26 le présente comme un « acte d’administration de la preuve contradictoirement accompli par les avocats des parties, nécessairement consentantes ».
Amrani-Mekki S., « La codification de l’amiable », préc.
Coulon J.-M., Réflexions et propositions sur la procédure civile, 1997, La documentation française : « La solution doit en effet être recherchée ailleurs, dans une conception rénovée de l’accusatoire, qui imposerait à chacune des parties de participer loyalement et efficacement à la procédure afin de transcender la distinction entre l’accusatoire et l’inquisitoire ».
Déjà un rapport de Maître Vincent Bertha au nom de la conférence nationale des avocats avait suggéré une véritable contractualisation de la mise en état. « Le projet de la CNA d’une procédure de mise en état conventionnelle avec avocats est non seulement propre à décharger de toute la mise en état les juridictions, d’appel comme de première instance, juges et fonctionnaires de justice. À l’inverse de la procédure participative, elle est faite pour ceux qui veulent que l’effectivité de leur droit soit reconnue par le juge. Ce n’est pas un des modes alternatifs de règlement des conflits (…) Elle doit redonner aux parties la maîtrise de leur procès ».
Amrani-Mekki S., « Expertise et contradictoire, vers une cohérence procédurale ? », JCP G 2012, II, 1200, propos de Cass. com., 28 sept. 2012, n° 11-18710 : « Mais attendu que si le juge ne peut refuser d’examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire, il ne peut se fonder exclusivement sur une expertise réalisée à la demande de l’une des parties ».
En dernier lieu, Cadiet L., L’accès à la justice, D. 2017, p. 522 et s.
Gaboriau S., « Déjudiciarisation et administration de la justice, Promouvoir la “juridiversité” », LPA 14 juin 2012, p. 3 et s. Elle a notamment cette réflexion intéressante : « Antonin Artaud, dit-on, voulait supprimer les psychiatres pour supprimer la folie. Parfois, une impression vient à l’esprit : ne veut-on pas supprimer les juges, avec une réduction de plus en plus sévère de leurs moyens et un redécoupage restrictif du territoire judiciaire, pour supprimer les justiciables ? »
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Plan
- 113e édition des États généraux du droit de la famille et du patrimoine – Le contrat en droit de la famille : le champ des possibles
- 1.1Le contrat en droit de la famille : le champ des possibles – La liberté contractuelle en droit processuel de la famille
- 1.2Le contrat en droit de la famille : le champ des possibles – Liberté contractuelle et ordre public de la famille
- 1.3Discours officiels de la 13e édition des États généraux du droit de la famille et du patrimoine – Discours du président du Conseil national des barreaux
- 1.4Discours officiels de la 13e édition des États généraux du droit de la famille et du patrimoine – Discours du garde des Sceaux, ministre de la Justice
- 1.5Le nouveau divorce par consentement mutuel
- 1.6Actualités juridiques et judiciaires de la famille – Aspects procéduraux du contentieux familial : les grandes évolutions de l’année 2016
- 1.7Actualités juridiques et judiciaires de la famille – Actualité jurisprudentielle du droit patrimonial de la famille
- 1.8Discours officiels de la 13e édition des États généraux du droit de la famille et du patrimoine – Discours du président du Conseil national des barreaux
- 1.9Discours officiels de la 13e édition des États généraux du droit de la famille et du patrimoine – Discours de la secrétaire d’État chargée de la famille