L'obligation de statuer sur une demande en restitution malgré une décision définitive antérieure de remise à l'AGRASC
Pour la première fois à notre connaissance, la Cour de cassation décide, dans un arrêt du 22 février 2017, que le caractère définitif d’une décision de remise d’un bien à l’AGRASC pour vente avant jugement n’empêche nullement, par la suite, les personnes intéressées de former une demande valable de restitution, à laquelle une réponse devra nécessairement être apportée. Ce faisant, elle met fin à une question souvent posée en pratique.
Cass. crim., 22 févr. 2017, no 16-86547, ECLI:FR:CCASS:2017:CR00479, M. Stéphane X et Mme Gwenaëlle Y, épouse X (cassation CA Caen, 11 oct. 2016), M. Guérin, prés. ; SCP Spinosi et Sureau, av.
1. En vertu des articles 41-5 et 99-2 du Code de procédure pénale, un magistrat du ministère public pendant une enquête1 ou un magistrat instructeur en cas d’information judiciaire peut décider de remettre à l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) tout bien meuble susceptible de se déprécier et qui n’est plus utile à la manifestation de la vérité pour qu’il soit vendu2. Une fois cette décision devenue définitive, les propriétaires de tels biens peuvent-ils encore, par la suite, demander valablement la restitution des biens concernés ? La chambre criminelle, dans un arrêt du 22 février 2017, répond par l’affirmative à cette question, solution qui ne peut qu’être[...]
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Avant la réforme opérée par la loi n° 2015-177 du 16 février 2015, une ordonnance du juge des libertés et de la détention (JLD) était nécessaire en cas d’enquête. Depuis cette réforme, le magistrat du ministère public décide seul, par décision motivée, susceptible, tout comme l’ordonnance du magistrat instructeur en cas d’information, d’un appel devant la chambre de l’instruction dans les cinq jours (sur cette évolution, voir Almaseanu S., « Les nouveaux articles 41-4 et 41-5 du Code de procédure pénale tels que modifiés par la loi du 16 février 2015 », Gaz. Pal. 27 mars 2015, n° 217u1, p. 11).
Depuis la loi du 3 juin 2016, il est même possible, en vertu du nouvel article 706-152 du Code de procédure pénale, de vendre avant jugement un immeuble saisi dont les frais de conservation auraient un coût disproportionné par rapport à sa valeur en l’état.
Le caractère définitif de la décision avait été acquis très tardivement (en l’espèce le 29 mars 2016, date de la déclaration d’irrecevabilité), alors que la demande en restitution, elle, avait été formée dès le 24 décembre 2015, à un moment, donc, où la remise n’était pas définitive. Nous allons voir que ce fait est sans incidence sur la solution retenue, la Cour de cassation ayant décidé de rendre une décision de principe en la matière.
Le caractère suspensif du délai de dix jours pour faire appel est une nécessité pour protéger les droits des personnes concernées. Pour une censure par le Conseil constitutionnel des dispositions de l’article 389 du Code des douanes instaurant en matière douanière une procédure de vente avant jugement, justement en raison de l’absence, à l’époque, de caractère suspensif de l’appel, voir Cons. const., 13 janv. 2012, n° 2011-208 QPC.
Sur cette évolution, voir Almaseanu S., « Le refus de restitution de l’instrument ou du produit de l’infraction en procédure pénale », Gaz. Pal. 17 janv. 2017, n° 282v4, p. 16.
Il est d’ailleurs à noter que l’Agence, pour ne pas porter atteinte au droit de propriété, restitue l’intégralité du prix de vente du bien, les frais occasionnés par cette vente (qui est toujours une vente aux enchères) restant à sa charge.
V. not. : Cass. crim., 10 mai 2011, n° 10-87791 ; Cass. crim., 1er juin 2011, n° 10-87928 ; Cass. crim., 19 juin 2013, n° 12-88367 et Cass. crim., 8 janv. 2014, nos 13-82989 et 13-82890.
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