Le loyer commercial entre désordre contractuel et ordre public
Le juge des loyers commerciaux fixe le loyer du bail renouvelé selon les critères définis par la loi, et les clauses contractuelles ne peuvent pas dénaturer la législation. Le loyer du bail renouvelé ne peut en aucun cas excéder la valeur locative. Il paraît désormais qu’un certain ordre public domine cette matière, mais s’agit-il de l’ordre public de l’article L. 145-33 du Code de commerce, relatif à la définition de la valeur locative, ou de l’ordre public judiciaire, le juge tenant ses pouvoirs de la loi, non du contrat ?
Cass. 3e civ., 3 nov. 2016, n° 15-16826
Cass. 3e civ., 3 nov. 2016, n° 15-16827
Depuis quelques années, les bailleurs introduisent dans les baux commerciaux des clauses particulières pour remanier, corriger, modifier la définition légale de la valeur locative de renouvellement. Ce traficotage des critères légaux suscite un certain malaise lorsque le juge des loyers commerciaux est saisi. La réglementation serait-elle divisible et le juge serait-il un mandataire commun ?
La question trouve un regain d’actualité avec les deux arrêts rendus par la Cour de cassation le 3 novembre 20161, concernant une clause de loyer binaire. Si la Cour admet la possibilité de faire fixer par le juge des loyers commerciaux un loyer minimum garanti, dans un bail à loyer variable – ce que la jurisprudence Théâtre Saint-Georges excluait précédemment en considérant qu’une clause de loyer binaire[...]
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Cass. 3e civ., 3 nov. 2016, nos 15-16826 et 15-16827 : Administrer nov. 2016, p. 36, note Barbier J.-D. ; JCP G 2016, 1415, note Monéger J. ; AJDI janv. 2017, p. 36, note Planckeel F.
Cass. 3e civ., 10 mars 1993, n° 91-12031 : Gaz. Pal. Rec. 1993, 2, p. 313 – Cass. 3e civ., 27 janv. 1999, n° 97-13366 : Gaz. Pal. Rec. 1999, 1, p. 49 – Cass. 3e civ., 29 sept. 1999, n° 97-22199 : Gaz. Pal. 26 oct. 2000, n° C2404, p. 37 – Cass. 3e civ., 7 mai 2002, n° 00-18153 : Gaz. Pal. 18 juill. 2002, n° C8710, p. 21 : « Il est constant que la fixation du loyer renouvelé dans le cas d’un loyer dit binaire échappe aux dispositions du décret du 30 septembre 1953 ».
V. les références ci-dessus note 1.
Monéger J., JCP G 2016, 1415 ; c’est également l’analyse que nous avions faite, dans notre commentaire à chaud de ces arrêts : v. notre note préc. sous Cass. 3e civ., 3 nov. 2016, nos 15-16826 et 15-16827 : Administrer nov. 2016, p. 36.
Auque F., RLDA 2012/12, n° 77 : ainsi, l’analyse des deux plus éminents universitaires spécialistes des baux commerciaux se rejoint.
Cass. 3e civ., 2 oct. 2002, n° 01-02781 : Gaz. Pal. 1er févr. 2003, n° F0070, p. 13, note Barbier J.-D. – Cass. 3e civ., 18 juin 2013, n° 12-19168 : Administrer déc. 2013, p. 28, note Barbier J.-D. C’est bien cette analyse que propose le professeur Joël Monéger.
Notre note sous Cass. 3e civ., 9 sept. 2014, n° 13-14448 et CA Limoges, 4 sept. 2014, n° 13/00095 : Gaz. Pal. 25 nov. 2014, n° 202k9, p. 23, spéc. p. 26.
Planckeel F., note préc. sous Cass. 3e civ., 3 nov. 2016, nos 15-16826 et 15-16827 : AJDI janv. 2017, p. 36.
AJDI déc. 2016, p. 805.
Cass. 3e civ., 13 janv. 1988, n° 88-16978 : AJPI 1988, p. 442, note Boussageon B. – Cass. 3e civ., 7 févr. 1990, n° 88-13927 : Loyers et copr. 1990, n° 180 – Cass. 3e civ., 15 mai 1991, n° 89-20847 : Gaz. Pal. Rec. 1991, 1, p. 427, note Barbier J.-D.
V. notre note préc. sous Cass. 3e civ., 3 nov. 2016, nos 15-16826 et 15-16827 : Administrer nov. 2016, p. 36.
Cass. 3e civ., 10 mars 2004, n° 02-14998 : Administrer mai 2004, p. 19, note Barbier J.-D.
Cass. 3e civ., 15 mai 2008, n° 07-14113 : Gaz. Pal. 8 juill. 2008, n° H1889, p. 28.
Cass. 3e civ., 30 janv. 2002, n° 00-15202 : Administrer avr. 2002, p. 26, note Barbier J.-D.
Cass. 3e civ., 2 juill. 1997, n° 95-18870 : Gaz. Pal. 11 déc. 1997, p. 18, note Barbier J.-D.
CA Paris, 16e ch. B, 12 févr. 1989 : Gaz. Pal. 1er juill. 1999, p. 38, note Barbier J.-D. – Cass. 3e civ., 9 avr. 2013, n° 12-15002 : Gaz. Pal. 3 août 2013, n° 141k8, p. 36, note Barbier J.-D.
TGI Paris, Loyers comm., 30 janv. 2012, n° 10/02225 : Gaz. Pal. 30 juin 2012, n° J0268, p. 9, note Barbier J.-D.
Rappelons que la notion d’imperium contractuel, qui permettrait de contraindre le juge, a fait l’objet d’une thèse brillante, mais néanmoins dangereuse : Lamoureux M., L’aménagement des pouvoirs du juge par les contractants, 2006, Presses Universitaires d’Aix Marseille.
Sur l’indivisibilité de la réglementation, notamment en cas d’adoption du statut des baux commerciaux, qui ne saurait être partielle, v. notre note sous Cass. 3e civ., 9 févr. 2005, n° 03-77476 : Gaz. Pal. 10 déc. 2005, n° F7111, p. 16, spéc. p. 18.
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